Un encuvement français découvert aux Arros
L’Association historique de la poche du Nord-Médoc a mis au jour les vestiges d’une plateforme qui servait de pas de tir à la Marine française, avant que le Fort des Arros ne soit capturé par les Allemands en 1940.
De 1941 à l’automne 1943, l’organisation Todt a construit avec l’aide d’une vingtaine d’entreprises allemandes et françaises des ouvrages bétonnés à partir de la Pointe de Grave. Mais avant que ne voit le jour ce Mur de l’Atlantique, la côte était défendue par la Marine française. Pour protéger l’estuaire de la Gironde, elle disposait notamment du Fort des Arros, à la limite de Soulac et du Verdon. Il était équipé d’une batterie côtière semi-lourde composée de quatre canons d’une portée de 19 kilomètres. Ces Schneider datant de 1896 avaient été récupérés sur des croiseurs et des cuirassés désaffectés de la Première Guerre mondiale. Aux Arros, ils étaient installés dans des encuvements : des plateformes bétonnées munies, en leur centre, d’un pivot permettant la rotation à 360 degrés des pièces d’artillerie.
Lorsque les Allemands s’emparent du Fort des Arros le 27 juin 1940, ils découvrent les quatre canons. «Avant qu’ils ne commencent à construire le Mur de l’Atlantique, ils s’en sont servi pour des tirs d’entraînement, relate Jean-Paul Lescorce, président de l’Association historique de la poche du Nord-Médoc. Ensuite, ils les ont mis à l’intérieur des casemates.» Mais cette position s’avère inutile. Lorsqu’en avril 1945, le croiseur Duquesne et le cuirassé La Lorraine bombardent pendant 48 heures les positions allemandes de Soulac Sud à la Pointe de Grave, les navires de la Marine française restent hors de portée des canons. Les Allemands décident donc de les remettre dans leurs encuvements et les font virer à 180 degrés pour tirer sur les Forces françaises de l’intérieur (FFI) qui sont regroupées dans le Médoc. Pour autant, quelques jours plus tard, le 20 avril, la Pointe de Grave est libérée. Les canons sont désossés par des ferrailleurs. Les encuvements, eux, s’ensablent progressivement, tout comme les bunkers, après l’abandon du site.
Tout ce pan de l’histoire locale aurait pu rester dans l’oubli. Mais c’était sans compter sur Jean-Paul Lescorce. «Par devoir de mémoire envers mon père qui les a construits alors qu’il avait été réquisitionné par le STO (Service du travail obligatoire), j’ai décidé de remettre au jour les bunkers.» Pendant douze ans, armé de pelles et de seaux, il a ainsi procédé au nettoyage de plusieurs ouvrages. «Au départ, nous étions plusieurs, mais rapidement, je me suis retrouvé seul.» Pour lui, pas question d’abandonner, et c’est donc seul qu’il désensable le site des Arros. «Je me suis amusé à faire un petit calcul : en douze ans, j’ai sorti 450 m³ de sable !» Un travail de titan grâce auquel plusieurs positions du Mur de l’Atlantique sont aujourd’hui visitables. Mais un travail qui ne s’arrête jamais...
«Grâce à des photos anciennes, je savais qu’un encuvement français se trouvait tout près de la casemate M 270. Je me suis donc promené avec une tige en fer pour sonder tout le secteur.» Début octobre, le passionné d’histoire trouve enfin quelque chose. Sous soixante centimètres de sable se trouve bien l’encuvement recherché. «L’association a loué un tractopelle pour décaper le maximum. Mais avec un des guides de l’association, Hervé Dejoux, nous avons terminé de le désensabler à la main... et il nous a fallu 800 brouettes !»
Autrefois surmonté de palplanches, l’encuvement d’environ huit mètres de diamètre est donc de nouveau à l’air libre. Il constitue une nouvelle pièce du «musée à ciel ouvert» que Jean-Paul Lescorce et les trois autres guides de l’Association historique de la poche du Nord-Médoc font visiter tout au long de l’année. «Auparavant, on en parlait déjà en montrant des photos. Maintenant on l’a en vrai !»
Visite guidée de la batterie côtière des Arros, toute l’année sur rendez-vous. Renseignement 05 56 09 91 59
A l’honneur dans la presse allemande
Un journaliste allemand, en vacances à Euronat en avril dernier, a participé à une des visites de bunkers organisées par Jean-Paul Lescorce. Y voyant un sujet intéressant pour les titres auxquels il collabore, il avait ensuite pris rendez-vous avec le président de l’Association historique de la poche du Nord-Médoc pour en apprendre plus, en lui promettant de faire paraître un article en Allemagne. Il a tenu promesse, au-delà des espérances de Jean-Paul Lescorce : ce sont en effet une page entière dans le Berliner Zeitung et deux pages dans le Franckfurter Rundschau du 10 novembre dernier qui ont été consacrées à l’association.
Juin/Juillet/Août 2018
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