L’«assassinat» du 2007
Pas de bousculade sur le millésime 2007 actuellement proposé en primeur. Les propriétaires sont fermes sur les prix et Robert Parker met son grain de sel dans ce début de campagne de commercialisation.
Les critiques sévères formulées à l’encontre du millésime 2007, récemment dégusté en primeur (JdP n° 87), ne semblent pas émouvoir outre mesure le marché. La tendance, telle qu’elle ressort des premières transactions, indique une volonté des propriétaires de ne pas brader la marchandise, fût-elle moins gâtée par la nature qu’en 2006. Les négociants qui s’attendaient à ce que les prix reflètent une moindre qualité en sont actuellement pour leurs frais, voire pointent la «gourmandise» de certains châteaux.
Actuellement, la baisse des tarifs quand baisse il y a est purement symbolique, de l’ordre de 5 à 7 %. «Ce n’est tristement pas une baisse», estime le propriétaire et négociant de Saint-Emilion, Jean-Luc Thunevin1, qui «aurait aimé -15 %» et qui écarte l’argument – souvent resservi en pareille occasion – des investissements consentis par les propriétés. Pour l’instant, la campagne ne fait que démarrer sans précipitation en particulier pour les vins en mal de notoriété.
Quant aux premiers de la classe, ils n’avaient encore dévoilé leurs intentions à la fin mai, période où se tenait à Hong-Kong le salon Vinexpo Asie. Dans l’intervalle, de très nombreux châteaux se sont fait allumer par leur critique préféré. Dans son encyclique annuelle, le pape Robert Parker déconseille ouvertement d’acheter du 2007 au prix du 20062 et se montre particulièrement sévère pour la qualité d’ensemble du dernier millésime. Pour preuve, seuls trois propriétés décrochent les note maximales (au-dessus de 95). Mais, il s’agit de vins blancs (Pape Clément, Haut-Brion en Pessac-Léognan et Climens en Barsac) qui devancent ainsi des vedettes telles que Margaux, Mouton-Rothschild ou Latour. En-dessous de 90 et au-delà, le système de notation Parker peut avoir des effets dévastateurs. «Un score dans les 70 pour un bon Bordeaux est fou. [Parker] a assassiné certains vins», estimait début mai le courtier Benoît Ricaud-Dussarget, interrogé par l’AFP3.
Entre les aigreurs de Robert Parker, la faiblesse du dollar et l’attentisme des acheteurs Anglais, il n’y a guère plus que la grande distribution pour redonner un peu de tonus au marché du millésime 2007. De nombreux avis convergent pour dire que l’intervention des poids lourds du secteur devrait être déterminante. Sera-ce au bénéfice du consommateur ?
En tout cas il faudra surveiller de près les foires aux vins en 2009.
1 Le Point, 24 mai 2008
2 2007 Bordeaux : who will buy them and at what price ? (Bordeaux 2007 : qui les achètera et à quel prix ?). Tel est le titre sans ambiguïté du carnet de notes du dégustateur américain pour qui il n’y a aucune nécessité d’acheter des 2007 en primeur tant que ne se profilent pas des réductions de prix significatives.
3 Robert Parker note les vins sur 100. Le poids de ces notations et du «système Parker» est tel que certains n’hésitent pas à dire : «Au-dessus de 90, vous n’en trouvez pas ; en dessous de 90, vous n’en vendez pas…»