4Gas a de la suite dans les idées
4Gas est bien décidé à exploiter un terminal méthanier au Verdon. L’investisseur estime avoir pris en compte les conclusions du débat public. Les opposants ne décolèrent pas contre ce projet qui vient de recevoir le soutien prudent d’Alain Juppé.
«4Gas a décidé de poursuivre son projet de réalisation d’un terminal méthanier au Verdon-sur-Mer.» Publiée simultanément dans Le Figaro et Sud-Ouest, l’annonce de la société néerlandaise est intervenue le 7 juin, avec un peu plus d’un mois d’avance sur le calendrier défini par la Commission du débat public. Dans la foulée, l’opérateur a déposé auprès des autorités compétentes un dossier de demande d’autorisation d’exploiter, prélude à une demande de permis de construire.
La société estime avoir «écouté avec le plus grand intérêt les opinions exprimées par les participants [au débat public] et étudié avec la plus grande attention les recommandations présentées dans le bilan de ce débat». Résolument optimiste, elle envisage le déclenchement de l’enquête publique pour «le troisième trimestre 2008» et «s’attend à recevoir les permis en 2009». Au terme «des travaux au premier trimestre 2010 […], le terminal pourrait devenir opérationnel en 2013».
Dans l’immédiat, les principales modifications apportées au projet concernent le traitement de l’eau de regazéification par recours à l’électrochloration, l’intégration paysagère avec la création d’une dune végétalisée «dans la continuité de l’espace dunaire existant», la réduction de l’impact visuel en enterrant les cuves «plus profondément» et la réduction des risques avec la «création d’un système de rétention supplémentaire pour parer aux effets d’une rupture des canalisations cryogéniques entre l’appontement et les cuves».
Autant de détermination qui prend pour les opposants au terminal méthanier les allures d’un scénario catastrophe. Prenant l’opinion à témoin, ils ont réagi quelques jours plus tard en publiant sur une pleine page de publicité dans Sud-Ouest une Lettre ouverte aux dirigeants de 4Gas qui dénonce «un projet d’arrière-garde». Les signataires (collectif Une pointe pour tous, Dominique Bussereau, Noël Mamère, Xavier Pintat, Henri Sabarot, Allain Bougrain-Dubourg…) estiment que «l’obstination» de 4Gas «ne ferait que conforter notre détermination et exacerber le refus largement exprimé dans le Médoc, le pays Royannais, et par deux fois déjà à Bordeaux dont le nom, nous en sommes sûrs continuera de rimer avec Unesco plutôt qu’avec Seveso». Et de conclure : «L’estuaire de la Gironde n’est pas à vendre à des fonds spéculatifs.» Pour mieux enfoncer le clou, près de 500 personnes se sont rassemblées au Verdon près du site le 14 juin, jour même de la publication de cette lettre ouverte.
D’autres manifestations sont prévues durant l’été, notamment des distributions de tracts et de pétitions à la Pointe du Médoc à l’intention des touristes empruntant le bac. Des actions plus «musclées» ne sont pas exclues tandis qu’une manifestation est annoncée pour début septembre lors des universités d’été de l’UMP à Royan. Jean-Louis Borloo devrait être interpellé à cette occasion. En attendant, c’est vers son prédécesseur au ministère de l’Ecologie que se tournent les regards.
«Sujet difficile. Il ne faut pas faire de dogmatisme. Ce dossier doit être étudié…» Lors d’un récent «clavardage» (Ndlr : dialogue sur Internet) sur le site «En ligne pour ta planète», Alain Juppé a pris une position discrète mais remarquée sur le port méthanier du Verdon. Le maire de Bordeaux ne dit pas non au projet. «Sur le visuel, l’état actuel du projet prévoit un enfouissement assez important des trois cuves, à 20 mètres aujourd’hui, soit la moitié. L’investisseur est prêt à faire beaucoup de progrès. Pour la sécurité de l’installation, ce sont des techniques parfaitement maîtrisées. Et il ne faut pas oublier toutes les contreparties positives, au niveau économique notamment pour le port du Verdon. Il y a encore de longues périodes d’études à venir», écrivait-il le 16 juin dernier. A la lecture de ces propos, les opposants au port méthanier, à deux doigts de s’étrangler, s’interrogent… «sur la sincérité d’Alain Juppé quant au développement durable, et sur sa crédibilité à incarner un projet et un avenir au-delà de l’agglomération bordelaise et des pressions du PAB et autres milieux d’affaires bordelais».
Un autre ténor de la vie politique locale va sensiblement dans le même sens qu’Alain Juppé, c’est Alain Rousset. Pour le président du conseil régional d’Aquitaine qui entend faire du Médoc et de l’estuaire un Parc naturel régional, «allier un projet de développement et préserver l’environnement» est la voie à suivre. «A priori», le projet de port méthanier «n’est pas totalement incompatible avec cette ambition». Et d’ajouter, «cela demandera beaucoup d’efforts aux investisseurs».
L’UDV se réjouit de la décision de 4Gas
Martial Havel, président de l’Union pour le développement du Verdon est satisfait.
«L’UDV se réjouit que la société hollandaise 4Gas ait confirmé sa décision d’implanter un terminal méthanier sur la zone portuaire du Verdon. A l’heure où le tourisme subit un léger tassement dans la région et où le chômage continue à sévir, il est nécessaire de rechercher de nouvelles sources de développement économique. Le gaz en est une. Rappelez-vous. Il y a une trentaine d’années, le tourisme s’est considérablement développé dans le Nord Médoc alors que Le Verdon était cerné par des cuves à pétrole. Et quand le pétrole a disparu, l’économie du Verdon s’est effondrée. Elle ne s’est jamais remise. Or le gaz est beaucoup moins dangereux et polluant que le pétrole. Partout dans le monde un port de plaisance peut avoisiner sans problème un terminal méthanier et ici comme ailleurs, l’estuaire n’appartient à personne. Il est ouvert à tous genres de navigation. A l’heure où les prix de l’énergie s’envolent, il paraît indispensable que la France ait plusieurs terminaux pour recevoir le gaz venu d’horizons les plus divers et ne pas être tributaire d’un ou deux fournisseurs seulement qui nous imposeront leurs prix. C’est la politique suivie par nos amis espagnols ou italiens et tant d’autres pays. N’oublions tout de même pas que Le Verdon est en France et en Europe. Nous avons à participer à l’économie générale du pays. Il nous paraît incompréhensible qu’on puisse mépriser aujourd’hui la cinquantaine d’emplois nouveaux et les six ou sept millions d’euros de taxes annuelles offerts par cette installation alors qu’on n’a rien d’autre à proposer à la place. Ce terminal sera construit avec de l’argent privé, sans attendre de subventions de l’Etat ou de la Région. Il pourra donc être réalisé sans délai. Malgré la terreur que veulent répandre ceux qui refusent tout changement, nous savons que les risques sont minimes et nous avons pleinement confiance dans les administrations et la réglementation SEVESO 2 qui garantiront que toutes les mesures de sécurité seront prises pendant les études, la construction et l’exploitation du terminal. Nous sommes convaincus que la société 4Gas saura apporter les modifications nécessaires à son projet initial pour obtenir l’assentiment du plus grand nombre. Alors, nous nous réjouirons plus encore dans cinq ou six ans, quand les premiers méthaniers apporteront au Verdon et dans le Nord Médoc du travail et de la richesse.»
Dominique Bussereau : «Le promoteur n'aura aucune autorisation»
Dans une interview accordée à notre édition La Côte de Beauté, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports, assure que 4Gas n'a aucun soutien de la part des pouvoirs publics et qu'en conséquence, il ne recevra aucune des autorisations qu'il demandera.
«Premièrement, les besoins d’un port méthanier ne sont pas du tout avérés là où il doit s’implanter d’autant que cela veut dire un gazoduc qui doit passer soit dans le Médoc et ses vignobles, soit sous l’estuaire protégé pour aller en face. Deuxièmement, sur le plan du développement du port autonome de Bordeaux, auquel je suis attaché de par le projet de loi sur la réforme des ports, il y a d’autres moyens que de faire cela, avec notamment les trafics classiques. Il ne s’agit pas de condamner le port autonome de Bordeaux sur un plan maritime mais de trouver d’autres moyens de le développer. Dans le projet de loi, il y a la mise en commun des moyens des trois ports de l’Atlantique – Saint-Nazaire, La Rochelle et Bordeaux – pour avoir une politique commerciale commune et des moyens communs, et permettre de les dynamiser. Enfin sur le plan environnemental, l’estuaire de la Gironde est le dernier grand estuaire sauvage d’Europe. La volonté de l’Europe à travers les différents programmes Leader, des gouvernements successifs et des deux départements qui ont créé un syndicat est de protéger l’estuaire, d’y développer un tourisme de découverte avec des cheminements piétonniers, le réaménagement des petits ports qui en font le charme, avec les zones Natura 2000. Tout cela est parfaitement incompatible avec ce projet. La mobilisation locale contre ce projet est très forte des deux côtés de l’estuaire et toutes sensibilités politiques confondues. Au niveau du gouvernement, j’ai rappelé hier [NDLR : vendredi 13 juin], lors d’un conseil des ministres européens, au Luxembourg, à mon collègue néerlandais que la France n’avait rien contre les Pays-Bas mais que c’était ce projet en lui-même qui était néfaste. J’ai tenu, dans la semaine, une réunion à ce sujet avec les collaborateurs du cabinet de Jean-Louis Borloo et ceux de Nathalie Kosciusko-Morizet. Notre avis est que ce projet est incompatible avec le Grenelle de l’environnement. Le gouvernement va le faire savoir au promoteur. Il n’y a donc pas de soutien des pouvoirs publics à ce projet, aucun. Ni des pouvoirs publics locaux, ni nationaux. Le promoteur n’aura aucune des autorisations qu’il demandera. Il pourra toujours aller devant les tribunaux, le tribunal administratif est fait pour cela. Lorsque l’on est chef d’entreprise et que l’on souhaite s’implanter dans un lieu où les personnes sont hostiles, je pense que c’est une erreur de gestion complète. Il va très vite comprendre que la fin de la partie est sifflée.»
Le Verdon-sur-Mer : le maire craint de nouvelles tensions
Peu surpris de la décision de 4Gas de confirmer son projet de port méthanier, le maire redoute surtout une nouvelle division du village.
Lors du débat public sur le projet de terminal méthanier, les tensions ont été très vives entre partisans et opposants du projet (JdP n° 85 et précédents). Des querelles éclataient au sein même des familles. Alors que le promoteur néerlandais 4Gas a confirmé son projet d’implantation (lire également en pages 4 et 5), le maire Jacques Bidalun craint une nouvelle division du village. «Je ne suis pas surpris de l’annonce de 4Gas, indique-t-il. Mais la commune a connu une période mouvementée lors du débat public et je ne voudrais pas que cela recommence.»
L’édile assure que le conseil municipal «restera sur son engagement vis-à-vis de la population suite à la consultation d’avril». A l’époque, plus de 68 % des votants s’étaient déclarés contre le projet de terminal méthanier (JdP n° 88) et la municipalité s’étaient engagée à adopter l’avis du camp majoritaire. En conséquence, «nous signifierons notre opposition à 4Gas dans toutes les démarches administratives qui vont suivre, notamment lors de l’enquête publique».
Mais le maire se demande si le dossier ira jusque-là. «J’ai interrogé le secrétaire d’Etat aux transports, Dominique Bussereau, quant à son hostilité évidente vis-à-vis du projet, mais il tarde à me répondre. Je lui ai fait savoir que si l’Etat estimait que ce projet ne correspondait pas aux engagements du Grenelle de l’environnement et qu’il devait se prononcer d’une manière défavorable, il serait bien qu’il le fasse rapidement plutôt que de laisser se dérouler la procédure. Cela éviterait un nouveau déchaînement des passions dans la commune…» L'interview que Dominique Bussereau a accordé à notre édition La Côte de Beauté (voir p. 5) donne peut-être un premier élément de réponse en la matière.